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Marineland : que reste-t-il après une victoire écologique ?

Marineland, le célèbre parc marin situé à Antibes, a annoncé sa fermeture définitive, marquant la fin de plusieurs décennies d’activités touristiques et de spectacles avec des animaux marins. Cette décision intervient après des années de controverse concernant le bien-être des animaux et des critiques croissantes de la part des associations de protection animale.
Une polémique subsiste concernant l’absence d’alternatives concrètes pour les 4 000 animaux du parc. Certains réseaux d’extrême droite accusent les militants écologiques de « débrancher des prises » sans proposer de solutions viables. De leur côté, les associations soulignent les enjeux liés à la relocalisation et à la préservation des animaux concernés. Au-delà de l'analyse de ce cas que nous faisons, cela pose une question intéressante : que reste-t-il après une victoire écologique ?

I. Introduction

Allons directement à l'essentiel : résumer la situation de Marineland comme étant un projet tué par les écologistes est trompeur. La situation est plus complexe et peut se résumer en 3 aspects.

1. Une problématique économique

Les chiffres de Pappers montrent l'impact du COVID en 2020 avec 11 M d'euros, bien en deçà du niveau “habituel” de l’entreprise (autour de 20 M€ en 2019 et 2022). Les pertes importantes enregistrées ces années-là soulignent les difficultés persistantes de l’entreprise à atteindre une rentabilité opérationnelle durable.

2. Une mobilisation citoyenne pas si forte que cela....

Via notre panel Follaw ( qui est gratuit pour rappel !) En 3 ans, Marineland et la problématique des cétacés sont relativement très peu discutés avec 954 publications.

  • En Mars 2023, la justice ordonne une expertise sur l'état de santé des orques suite aux alertes de l'association de protection des animaux One Voice qui dénonçait leur «piteux état de santé»
  • En mai 2023, Le projet de transfert des orques au Japon suscite des inquiétudes et des réactions médiatiques. One Voice annonçait : « Nous avons un projet sérieux de sanctuaire. »
  • Le 17 janvier 2024, One Voice se félicitait de la décision judiciaire interdisant tout transfert des orques avant la fin de l’expertise indépendante, mettant en avant l’importance d’évaluer leur santé. L’association réaffirmait son opposition à la captivité et milite pour la création de sanctuaires.
  • Le 28 mars 2024, Mort d’une orque, Moana à 12 ans (la deuxième en seulement cinq mois)  L'autopsie révèle que le décès est dû à une septicémie. La bactérie qui a tué l'animal n'avait pas été repérée par les soigneurs
  • Début novembre 2024, One Voice critique Marineland qui "commence à se débarrasser des animaux exploités qui ont fait sa fortune. Le delphinarium envoie les phoques et les otaries vers d’autres parcs : Espagne ? Asie ? La grande « purge » a débuté en catimini."
  • Fin novembre 2024, Marineland annonce vouloir transférer dans un parc au Japon. Le désir est critiqué par l'association One Voice.
  • En décembre 2024, Marineland confirme son projet de fermeture définitive en janvier 2025.

Même à l'échelon global du Web accessibles, il y a eu aussi peu de publications avec 84 de contenus (X + forums + Web selon Meltwater)


Même à l’échelle globale du web accessible, la couverture médiatique reste limitée, avec seulement 84 contenus recensés (incluant X, les forums et le web selon Meltwater).

Sur le plan politique, la situation est tout aussi calme : en quatre ans, seuls 11 amendements ont été déposés, dont 4 restés en latence dans la PLF 2024, 4 rejetés, 2 retirés, et 1 adopté concernant la maltraitance animale, notamment sur les cétacés. Sur les réseaux sociaux, les prises de position proviennent principalement des écologistes et de La France Insoumise.

3. Mais très incarnée par les associations et leur travail médiatique.

S'il y a eu moins de 1000 publications dans notre panel sur la problématique, il y a eu 535 articles, signe d'une mobilisation médiatique rapide.

II. Les forces en présence sur l'annonce

1. Une grosse présence sur Instagram, des mouvements animalistes et l'extrême droite

Nous avons rassemblé toutes les discussions sur l'événement sur Linkedin, X, TikTok, Instagram et Threads et analyser la manière dont ces acteurs se suivaient tous réseaux confondus :

  • Une communauté en rouge, principalement avec LFI, les écologistes et le grand public. On y trouve également les comptes Instagram qui sont bien plus grand public que les autres communautés
  • Une communauté en mauve qui est médiatique. On y retrouve également les mouvements animalistes et de protection des animaux. Elle est cross-réseau
  • Une communauté en bleu, principalement RN et Reconquête, mais dans laquelle on trouve pas mal de défenseur de protection des animaux. Elle est principalement sur X.

Si l'on regarde ce que suivent tous ces comptes, on obtient les mêmes répartitions avec une vue en HD téléchargeable ici où l'on voit encore plus les communautés avoir leurs influenceurs plus structurés avec notamment Netflix qui est le plus suivi tous réseaux confondus !

2. Un débat entre populaire, bon sens citoyen,et localité contre écologisme et protection des animaux.

Les discussions autour du sort des animaux suscitent des réactions fortes et une opposition entre acteurs d'extrême droite et acteurs écologistes.

  • Du côté de ces derniers, ils célèbrent la possibilité d’une « nouvelle vie » pour les orques et dauphins (« On leur doit une nouvelle vie : sans chasse, ni spectacle, ni tourisme. » (Cloé Perrotin)). Ils en profitent pour ajouter tout au long des critiques des pratiques passées du parc et une célébration de la victoire des défenseurs des droits des animaux. Notons que les associations de protection animale dénoncent également une absence d’anticipation, rendant difficile l'avenir des animaux concernés(on parle de 4000 animaux !), victimes collatérales d’une fermeture pourtant prévisible. Concernant le devenir des dauphins, Christine Grandjean, présidente-fondatrice de l'association C'est assez, affirmait sur France Info qu'une "solution pour quatre dauphins" a été trouvée : un sanctuaire à Tarente en Italie est prêt à les accueillir "dans des conditions exceptionnelles en mer, avec soigneurs, vétérinaires, tout est prêt et les dauphins pourraient arriver en juillet prochain",
  • De l'autre, les communautés Reconquêtes et d'extrême droite soulignent parfois l'inconséquence dans laquelle place les écologistes cette situation couplées à des lois comme celle du Conseil d'État qui limite le transport de animaux à buts commerciaux. Enfin, ils critiquent le fait que ces fermetures affectent disproportionnellement les familles modestes qui n’ont pas les moyens d’accéder à d’autres types de loisirs et qui apprécient ce type de parc. Enfin notons quelques publications pour dénoncer l'intervention de Typhaine Auzière , la fille de Brigitte Macron, sur le sujet dans l'émission TPMP. Par contre, cette communauté d'extrême droite n'est pas unie à 100 % contre le projet. En effet, beaucoup de personnes de cette communauté sont également très foncièrement pro-animaux et contre le projet. D'ailleurs, politiquement, le RN et Reconquête ont des prises de position assez antagonistes. Je n'ai trouvé qu'une seule publication, celle de Frédéric Boccaletti, député du Var, qui disait :
https://twitter.com/345332120/status/1822927841589068165

En dehors de cet échange politique, on retrouve également quelques autres narratifs assez distincts :

  • L'impact économique local : Certains évoquent également l’impact sur la région, en soulignant que cette fermeture marque la fin d’une époque pour le tourisme local. « Une page se tourne pour la Côte d’Azur. » mentionne ainsi TourismeAntibes, tout comme d'autres acteurs locaux plutôt médiatiques. Les conséquences humaines de la fermeture sont un point de préoccupation pour certains auteurs. « La fermeture laisse 4 familles sur le carreau. » (Delumet Marilyn) est un exemple qui illustre les inquiétudes sur les employés impactés. Des tweets évoquent aussi les pertes économiques pour la région et le manque de soutien pour les travailleurs concernés. Ce narratif met en avant un contraste entre la célébration de la fermeture pour des raisons éthiques et l’impact social sur les communautés locales.
  • Le regard historique ou la nostalgie. Sur ce thème, notons une publication de l'INA qui a publié un tweet sur une archive :
https://twitter.com/Inafr_officiel/status/1864979150701838497

III. Les projets écocides : après l'arrêt, le grand néant ?

Si la caricature de certains narratifs, affirmant que Marineland aurait été “assassiné” par des militants écologistes assoiffés de sang, est clairement fallacieuse (les militants n’ont fait que des recours juridiques pour protéger les animaux, et ils l’ont fait de manière traditionnelle), il est néanmoins vrai que c’est davantage la situation financière de Marineland qui était problématique. Cela soulève toutefois une question essentielle : que devient un projet abandonné sur l’autel de l’écologie ?

Car il ne suffit pas d’appuyer sur la touche “delete” d’un projet pour faire disparaître les problèmes et faire apparaître une solution. L’association “C’est assez” ne dit pas le contraire, rappelant qu’elle n’a jamais demandé une fermeture brutale, mais une cessation progressive des activités.

Cela prête pourtant à sourire, car je n’ai jamais rencontré une entreprise décidée à s’éteindre lentement, progressivement, et de manière bien organisée. De même, il est difficile d’imaginer des dirigeants suffisamment compétents pour piloter des projets aussi complexes dans une société vouée à mourir de sa “belle mort”. Cette pensée immanente de la décroissance s’effondre souvent lorsqu’on réalise que la décroissance, c’est aussi la mort des subsides sociaux, du financement de la culture, et bien d’autres piliers de la justice sociale. Alors, ne faudrait-il pas proposer des solutions concrètes lorsqu’on s’oppose à des projets jugés écocides ?

En mai 2023, One Voice annonçait : “Nous avons un projet sérieux de sanctuaire.” Manifestement, cela ne s’est pas concrétisé. Cela dit, concernant l’avenir des quatre dauphins, Christine Grandjean a récemment affirmé qu’un sanctuaire en Italie était prêt à les accueillir.

Enfin, il convient de noter que parmi les projets récemment abandonnés pour des raisons écologiques, certains apparaissent aujourd’hui comme relativement inutiles et sans grande valeur sociétale.

  • Projet de barrage de Sivens (2015) : projet de retenue d’eau critiqué en raison d'accusation de destruction d’une zone humide et l’impact sur les espèces protégées.
  • Aéroport de Notre-Dame-des-Landes (2018) : Prévu près de Nantes, ce projet d’aéroport a été abandonné en janvier 2018 après des décennies de contestation. Les opposants dénonçaient son impact environnemental, notamment la destruction de zones humides et de biodiversité.
  • Projet de ferme des 1 000 vaches (2015) : exploitation laitière industrielle dans la Somme a été contrainte de réduire sa taille en 2015, face aux critiques sur le bien-être animal et les nuisances environnementales.
  • Projet Montagne d’Or en Guyane (2019) : projet de mine d’or à ciel ouvert critiqué sur les axes de déforestation et la pollution des écosystèmes locaux.
  • Projet de Center Parcs à Roybon (2020) : complexe touristique dans l’Isère, comprenant des centaines de cottages et une bulle aquatique. Les critiques portaient sur la destruction de zones humides et l’atteinte à la biodiversité locale.

Ensuite, il y a deux projets phares qui ont été coupés alors que les problèmes n'ont pas été résolus :

  • Le Projet Europacity (2019) : prévu dans le Triangle de Gonesse suite à une demande de l'état et célèbre pour sa piste artificielle de Ski (qui n'allait pas être faite finalement mais qui a porté ombrage au projet) , le projet avait une ambition de zéro impact carbone. Le projet aurait créé une dizaine de milliers d'emplois dans une région à forte chômage. Notons que des militants avaient argumentés qu'il ne fallait pas y avoir de projets là-bas en raison... de crash d'avions possibles. Depuis, l'opposition à la ligne 17 pour le GPE est toujours en cours, même si elle est toujours confirmée. 400 hectares de terres agricoles ont été sanctuarisés pour préserver l’activité agricole locale. Les 110 hectares restants, appartenant à l’État, sont destinés à accueillir un pôle économique axé sur la bioéconomie, des équipements publics tels qu’une cité scolaire internationale. En 6 ans, rien n'a donc été fait pour cette région désoeuvré
  • Projet de rénovation de la Gare du Nord à Paris (2021) : Ce projet ambitieux visait à transformer la gare pour les jeux olympiques. Ralentis par les oppositions écologistes et communistes, il a été débranché par Emmanuel Macron, faute de pouvoir tenir les délais et en raison de l'explosion des coûts. Depuis, la gare est dans un état assez déplorable sur tous les axes de la rénovation (infrastructure pour s'asseoir, gestion des flux, déserte des taxis, ouverture vers le nord et gestion de la sécurité) pour la principale gare internationale de France.

Cette année, notons également des arrêts de projets pour énergies vertes avec le projet de barrage hydroélectrique “Rhônergia” sur le Rhône ou Projets de parcs photovoltaïques sur la montagne de Lure (2024)

Dans le viseur des associations, on trouve des projets variés tels que la ligne LGV Lyon-Turin, les mégabassines dans les Deux-Sèvres, l’extension du port de Marseille, le parc éolien offshore du Tréport, une usine géante de batteries à Douvrin, ou encore le projet de centrale à biomasse à Gardanne.

Cependant, force est de constater que ces projets, bien qu’ils aient souvent une vocation écologique, suscitent malgré tout des mobilisations écologiques contre eux. Par exemple, l’autoroute A69 entre Castres et Toulouse ou le complexe Amazon à Fournès, plus controversés pour leur impact direct, ont été “écartés” de la liste des projets défendus comme écologiques.

En réalité, la complexité domine. Il n’y a pas un seul écologisme, mais plusieurs visions de l’écologie. Par exemple, une centrale nucléaire comme Fessenheim est-elle écologique (faible émettrice de CO2) ou écocidaire (en raison des déchets nucléaires) ? Faut-il abandonner le nucléaire au profit des énergies renouvelables, quitte à utiliser massivement du charbon en attendant ? Une éolienne qui tue des oiseaux est-elle vraiment écologique ? Une centrale solaire qui artificialise des sols est-elle sans impact ? Ces questions n’ont pas de réponses simples et révèlent que l’écologie est devenue une thématique politique à part entière, marquée par des clivages.

Il devient donc de plus en plus difficile d’apposer une étiquette de “non-écologie” à un projet. Le monde évolue, tout comme les entreprises et les acteurs économiques. Rappelons qu’il y a plusieurs décennies, Marineland était perçu comme un lieu de sensibilisation des enfants à la protection de la faune et un outil éducatif.

Cela montre que l’un des défis majeurs pour les mouvements écologiques et sociaux sera non seulement de dénoncer les projets qu’ils jugent écocides, mais aussi de proposer des alternatives concrètes et des solutions à l’arrêt de ces projets.

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