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L’importance de l’analyse multicanale des réseaux sociaux. Le cas OVHCloud
Lorsque la crise accidentelle et technique d'OVhCloud est apparue dans mon fil d'actualité, j'ai eu une forte envie de rouvrir mon carnet d'analyse pour voir ce qui se passe sur une crise purement technique, en comparant les canaux pour appréhender la complexité du cas. Et si foncièrement, la structuration communautaire faible des cas de crise de ce type n'a pas changé, nous pouvons dire et affirmer que la mutation de certains réseaux sociaux, Linkedin en tête, apporte des éléments intéressants à la gestion de crise sur les réseaux sociaux.
La propagation sur les réseaux
La propagation est décommunautarisée dans sa propagation et très structurée dans son tissu relationnel. Dans la propagation sur Twitter, la crise est assez typique de ce cas de figure avec des "hubs" en feu d'artifice sans globalité communautaire (tout est décousu), signe qu'il n'y a pas d'ancrage idéologique de la crise.
Cela, alors que les communautés en jeu sont bien claires et affirmées. Nous observons des communautés logiques avec une communauté réseaux et OVH, une communauté médiatique regroupant les médias, une communauté digitale avec des spécialistes et consultant en numérique, et enfin une communauté souveraineté numérique qui trouve "étrange" le fait qu’il y ait un incendie en marge d’une entrée en bourse et alors qu’il s’agit d’un champion français.
Sur Linkedin, les constats sont plus ou moins les mêmes sur la propagation.
Globalement, la crise est donc déstructurée et montre bien la difficulté pour OVH de devoir gérer une multiplicité de parties prenantes uniques avec des besoins en communication à satisfaire.
L'importance d'une analyse multicanale
Ce que montre le mieux l'analyse de la crise, c'est à quel point les parties prenantes peuvent être différentes entre un réseau et un autre.
Chacun a son importance, et on remarque bien que Facebook est celui qui mobilise le plus de personnes, suivis de Linkedin et Twitter. Pour autant, les parties prenantes impliquées vont différer.
- Twitter : militants/politiques, gamers, et médias
- Facebook : médias généralistes, clients touchés
- Linkedin : un public très corporate avec des sales managers, IT consultants et CEO
Justement en zoomant un peu sur Linkedin, on mesure l'importance du réseau.
On se rend compte que le public présent sur Linkedin est un public très premium, avec de grosses entreprises qui, de plus, sont des personnes touchées par la crise. Or, globalement, la stratégie de communication de crise d'OVH sur Linkedin est réduite au strict minimum, y compris en termes de marque employeur avec une Publication uniquement provenant d’un employé pour 193 likes globaux des employés. (Vous me direz, ils avaient autre chose à faire que publier sur Linkedin, ce qui est vrai)
Les publications d’Octave Kiaba ont réussi à humaniser la crise tout en le positionnant comme leader. Elles n’ont cependant pas été considérées dans l’étude car il n’y avait pas le mot clé OVH / OVHCloud, d’où la nécessité aussi d’ancrer le discours avec un hashtag ou autres pour les recherches d’information.
Enfin, elles reprennent parfois grossièrement le texte émis sur Twitter.
Quels enjeux pour la communication de crise d'OVH ?
Globalement, je décèle quatre enjeux pour la communication de crise qu'ils auront ou ont eu à gérer :
1. Assurer la continuité d’activité
- Rétablir l’activité pour soi et ses clients.
- Gérer ou communiquer sur les back-ups sauvegardes. Le fait que les back-ups aient été sur le même site que les serveurs est sévèrement pointé du doigt
- Refréner les mentions des concurrents qui récupèrent de la clientèle -
2. Communiquer sur l'enquête de l'incident avec trois points pointés du doigt :
- OVH utilise des gicleurs à eau standard
- Les planchers du site étaient en bois
- Le caractère général assez écologique du site qui aurait facilité la propagation
3. Assurer son positionnement sur le cloud souverain
- Rassurer les milieux financiers avant l’entrée en bourse
- Se positionner comme une solution européenne forte d'hébergement malgré les événements
4. Gestion des rumeurs
- Coïncidence avec entrée en bourse
- Mention du caractère Seveso du site qui est fausse.
Dans ces enjeux de communication de crise, OVH est globalement aidé par sa bonne réputation. Twitter est un peu plus critique, notamment sur la gestion des back-ups des serveurs qui était sur le même site. Linkedin est franchement au pays des bisounours avec des mots très positifs, et Facebook est le lieu de gestion médiatique et des clients impactés.
Jusqu'à présent, la communication de crise a bien été menée, avec une bonne communication incarnée par le CEO de l'entreprise. Peu d'entreprises se plaignent de la communication mise en place, si ce n'est parfois sur le côté brouillon des informations à propos de quel serveur est localisé à quel endroit. Le plan de continuité d'activité a été communiqué. Dans ces conditions, il n'y a "plus qu'à" mettre tout ce qui a été communiqué en place ! Une gestion de crise complexe, rapide et intéressante, surtout quand la communication de crise ne crée pas de "paracrise" qui mobilise des équipes et ressources pour autre chose que de rétablir l'activité.
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