Sommaire
Les tendances 2025 de la gestion réputationnelle et sociétale des organisations
Cela faisait très longtemps que je n’avais pas pris la plume pour isoler des tendances, mais notre cabinet, Saper Vedere, est actuellement dans une telle ébullition d’innovation qu’il me semblait important de faire le point sur un certain nombre de sujets clés que j’observe depuis trois ans. Bien évidemment, j’y vais à la truelle, sans précautions oratoires ni demi-mesures, dans le but d’être sûr de toucher ma cible approximative. Cela couvre trois grandes catégories :
• Technologique (IA, personnalisation des outils, nouvelles pratiques).
• Sociétale (montée des enjeux éthiques, tensions autour des valeurs, mutations générationnelles).
• Économique (pression sur les budgets, transition des SaaS, redéfinition des priorités).
Les organisations pionnières en issue management vont commencer à émerger
Avec l’arrivée de l’intelligence artificielle et la montée des enjeux sociétaux, les départements des affaires publiques, de la communication et de la RSE vont progressivement s’aligner. Les grands chantiers liés aux agents IA (systèmes autonomes conçus pour percevoir leur environnement, analyser des informations, et prendre des décisions ou exécuter des actions pour atteindre des objectifs prédéfinis) inciteront ces équipes à collaborer davantage, malgré des outils, objectifs et indicateurs souvent différents.
Ces départements réaliseront que leurs missions sont plus proches qu’il n’y paraît et que de nombreuses synergies sont possibles, notamment grâce à un budget consolidé, capable de soutenir leurs ambitions communes.
Ce changement est déjà perceptible en agence, où de plus en plus de départements nous sollicitent conjointement sur des problématiques spécifiques. Cela annonce la création d’un portefeuille unique, gérant les « 3 extras » : extra-financiers, extra-légaux et extra-réputationnels. Un domaine encore largement non codifié, où tout repose sur la compliance, le social, et une gestion subtile des risques.
La recherche d'indicateurs qui font sens
Ce nouveau portefeuille cherchera à développer des indicateurs bien plus pertinents à ses yeux, en faisant abstraction des métriques standardisées fournies clés en main par les plateformes et les SaaS. Cette démarche s’imposera, car il devra démontrer sa valeur ajoutée aux CEOs des grands groupes. À la poubelle :
- Le nombre de rendez-vous avec des politiques dans les affaires publiques (la seule discipline qui, miraculeusement, continue à proposer des objectifs de moyens plutôt que de résultats).
- Les impressions social media factices, affichées en trillions, et totalement déconnectées de la réalité.
- Les scores de réputation absurdes, qui comptabilisent trois mentions “neutres” comme un “positif”, boostant artificiellement les résultats trimestriels et les rapports des entreprises du CAC 40 après chaque sponsoring.
- Les équivalences publicitaires ou le simple comptage du nombre d’articles comme indicateur de performance en relations presse.
- Les likes, partages et autres engagements provenant de plateformes différentes, avec des significations complètement hétérogènes et souvent dénuées de réelle valeur.
La donnée en organisation est sur le point de véritablement prendre son envol. Avec elle, l’interopérabilité des infrastructures permettra d’isoler des funnels dédiés, personnalisés et ultra-360, optimisés pour des enjeux stratégiques tels que les recrutements clés, les acquisitions, les partenariats, et bien plus encore.
Petites équipes, centralisation et mondialisation des process
Les grandes organisations chercheront à centraliser leur architecture, leurs équipes de gestion opérationnelle et d’autres fonctions pour maximiser leur efficacité. Avec l’intelligence artificielle, la priorité sera donnée à l’interopérabilité, aux petites équipes hautement formées et compétentes, ainsi qu’à une gestion mondiale des domaines hyper-spécialisés.
Les SaaS de social listening vont enclencher leur déclin
L'état du marché des SaaS d'e-réputation est en stagnation complète alors que les analystes économiques prédisent déjà la fin des SaaS (software as a service) au profit des agents IA. Quand on analyse le marché, les outils sont presque strictement les mêmes d'années en années. A
À cette différence qu'ils ont incorporé des corpus sans jamais réfléchir à l'expérience utilisateur qu'ils donnaient. Usine à gaz inutilisable, outil sans interactions, ou données morcelées entre 485 dashboards pour couvrir tous les réseaux, c'est devenu relativement kafkaien de monitorer les réseaux sociaux.
À l'aube des agents IA, des dashboards no code et d'une époque où les budgets sont en baisse, l'heure des SaaS globaux multipliant les personas au sein de leurs clients va être compliqué. Il va falloir laisser une large partie davantage personnalisable. Quand on voit le temps et les ressources mobilisées pour rendre un rapport social media partageable et personnalisable au sein du comité de direction
D’autant plus que la donnée devient un enjeu coûteux pour les SaaS, contraints de réduire leurs marges. Cela représente à la fois le clou du cercueil et la planche de salut : d’un côté, cela empêche désormais les organisations de récupérer elles-mêmes leurs données, les rendant dépendantes de ces outils ; de l’autre, cela limite les possibilités d'innovation de ces outils.
Par ailleurs, les contrats avec X interdisent à tout grossiste de revendre leurs données en dehors de leurs logiciels. De plus, X n’a aucun intérêt à ouvrir l’accès à son précieux sésame de données, qui alimente directement son intelligence artificielle Grok. Car, là où l'idiot biaisé politiquement regarde le réseau social X, le sage regarde la valorisation de Grok depuis le rachat de X.
L'éthique et les valeurs vont être au coeur de beaucoup de décisions
Des dilemmes de valeurs et d’éthique absolument cruciaux se poseront, non seulement pour les dirigeants, mais également pour leurs équipes. Parmi les questions difficiles :
- Peut-on rester sur une plateforme de réseaux sociaux qui ne respecte pas nos valeurs, mais qui est la seule à disposer d’actifs indispensables à la réalisation de notre stratégie sociétale ?
- Doit-on mener des actions de lobbying auprès de responsables politiques du RN si ceux-ci deviennent majoritaires ou jouent un rôle clé à l’Assemblée nationale ?
- Que fait-on de l’intelligence artificielle si elle permet de licencier 200 personnes ? Comment ces IA sont-elles entraînées, et quels biais pourraient-elles reproduire ?
Ces dilemmes sont d’une complexité immense. Les choix à venir s'appuyeront sur des boussoles éthiques variées : le profil des dirigeants, les valeurs fondamentales de l’organisation, les attentes des employés et bien d’autres facteurs.
Des grosses organisations vont rater des crises
Les départements et outils dédiés aux réseaux sociaux me rappellent les départements et outils RP d’il y a dix ans : embourbés dans des processus vieillissants, connectés à des médias dépassés, et ne couvrant qu’une fraction de ce qui constitue réellement la réputation.
On se retrouve quand même avec une majorité d'organisation du CAC 40 qui "monitorent" leur réputation sur base de forums, d'articles Web AFP (Paywall oblige) , de X, titres de vidéo YouTube et de pages publiques Meta. (pour revoir les articles web AFP une deuxième fois)
Exit : Threads, Bluesky, Telegram, TikTok, podcasts, vidéos YouTube (au-delà des titres et descriptions), et LinkedIn.
Le trou de la couche d'ozone se résorbe autant que le trou de couverture de ces groupes augmente.
Comme il y a dix ans, je prédis donc que des crises échapperont aux départements social media et communication. Elles seront détectées trop tard, par d’autres indicateurs comme une chute des ventes, des difficultés de recrutement, ou d’autres signaux périphériques.
Il y aura un scandale IA & Data dans les champs politiques
Lorsque l’on observe la cartographie politique que Grok est capable de réaliser sur un profil, on comprend que l’intelligence artificielle permettra bientôt de collecter et d’analyser des données avec une facilité déconcertante. Elle rendra possible une définition extrêmement précise de l’identité politique, sociétale et philosophique des individus.
La simplicité de ces pratiques les rendra quasiment impossibles à réguler, tant leur mise en œuvre sera accessible et leur puissance difficile à contrôler. Il y aura un scandale.
Sale temps pour les jeunes étudiants
Nous entrons dans une période de turbulences pour les jeunes étudiants fraîchement diplômés. Déjà que les secteurs des affaires publiques et de la communication privilégient généralement des profils ayant au moins trois ans d’expérience en agence, l’essor de l’intelligence artificielle risque de geler temporairement le marché.
Les tâches habituellement confiées aux stagiaires et alternants seront en grande partie prises en charge par des outils d’IA sur mesure. Le mid-management se chargera ensuite de retravailler ces productions, tandis que les seniors apporteront leurs recommandations stratégiques.
Tout cela se conjugue avec une formation en école de commerce et université complètement dépassé, pratiquant encore pour certaines des examens au stylo à encre. Même si l'apprentissage du Leviathan de Hobbes du Le Prince de Machiavel restent intéressants, les pratiques de terrain évoluent tellement vite qu'elles sont assez déconnectés de toutes réalités de terrain.
Les rémunérations de professeur sont tellement abyssales que les personnes capables de former la prochaine génération feront l'impasse. Et pour les plus téméraires, l'administration française se chargera de les dégouter par la paperasse absconte qu'elle demande de générer.
Les moyens technologiques nécessaires pour être en adéquation avec le niveau professionnel ne sera presque pas payable pour une génération. Bien sûr, des outils mettront gracieusement et gentiment à disposition des écoles des outils. Mais tout cela prendra du temps.
Bref, les temps risquent d’être temporairement difficiles pour les étudiants et les jeunes diplômés, avant que le marché ne s’adapte à ces transformations.. Cela ne va toutefois pas durer très longtemps.
Les affaires publiques vont intégrer communication et réseaux sociaux
Après des décennies à considérer que leurs missions étaient plus importantes que celles des agences en communication, les agences d'affaires publiques seront forcées de mobiliser les outils et servies communicationnelles. Car :
La nouvelle génération politique arrive
Cette génération, connectée depuis son adolescence et familière des réseaux sociaux comme prolongement naturel de leur quotidien, bousculera profondément les pratiques traditionnelles lorsqu’elle accédera pleinement au pouvoir. Le système des tribunes médiatiques sans un véritable travail de pression et d’influence autour risque alors de montrer ses limites et ca va faire mal.
Prendre de l'avance pour être à temps
Les problématiques sociétales sont souvent intégrées dans les logiques d’affaires publiques bien trop tard par rapport aux besoins réels.
Gagner du temps et un avantage concurrentiel
Le point culminant des affaires publiques réside dans le rendez-vous institutionnel. Une organisation qui se limite à ce rendez-vous dispose d’une heure pour présenter son organisation, expliquer sa position et échanger. En revanche, une organisation qui communique en amont passe moins de temps à expliquer qui elle est et ce qu’elle souhaite, car elle a déjà fait connaître son identité et sa position. Cela représente un véritable gain concurrentiel dans l’approche des problématiques.
Rassembler
La communication sur les réseaux sociaux est structurée pour que les leaders d'opinion nécessaires à une bonne présence sociétale suivent les comptes de l’organisation et puissent être mobilisés à tout moment pour tirer la sonnette d’alarme si nécessaire.
Offrir davantage d'arme
La communication peut également être un levier de pression sur les élus dans le cas où toutes les options politiques sembleraient fermées.