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La polémique du Hijab de Décathlon : le spectateur comme arme de communication sur les réseaux sociaux
Ce fut la polémique de la semaine : le Hijab de Décathlon et son instrumentalisation politique a connu une visibilité exacerbée avec pas moins de 500 000 tweets en quelques jours. Comment cela s'est propagé ? Quelle a été la communication de crise et Décathlon est-il réellement en crise ? Autant de questions auxquelles j'ai tenté de répondre !
Une propagation habituelle
Une foule polarisée avec les médias comme téléspectateurs et projeteur dans le monde réel
L'histoire commence avec un article diffusé sur Al-Kanz.
Lydia Guirous va réagir à cela.
En même temps qu'une personne se réclamant du courant féministe fait une critique qui ne connaîtra pas mal de reprise.
Alors qu'il n'y a presque pas de retweets autour de cette affaire (moins de 4000 tweets pour le premier jour), La Dépêche en fera un article.
Le lendemain, un communiqué des Républicains apparaît.
Directement après, Valérie Boyer embraye.
Dans la défense du Hijab, un tweet de Madjid Messaoudene offrira un contrepoids.
11h00 | Le coup de gueule sur Sud Radio est le sujet.
Survient alors un article du Figaro.
Et ensuite, la machine médiatique s'enchaîne quelque peu avec Le Point et BFM TV.
La polémique était démarréé
On a donc toujours :
- Un fait d'actualité en rapport avec un sujet sociétal et l'islam
- Une récupération par la droite pour dénoncer la chose.
- Une fois que les médias embrayent, la machine se lance
- Les gens réagissent à cela. AJ + en profite pour dénoncer le climat, RT en profite pour avancer ses narratifs.
https://twitter.com/RTenfrancais/status/1100499829652942849
Sauf qu'ici en dehors du cas traditionnel de l'actualité avec fait divers, il y a eu une marque et un community manager. Cela donne une opportunité d'avoir davantage de personnes autour du débat.
Si l'on prend les mots-clés (hijab or islamique or boycott or voile or burkini or boycotter or arabe or (grand remplacement) or islam or raciste or (place femme) or identitaire or laicité or laïque).
Un historique connu dans l'histoire des crises numériques
Ce qui est arrivé à Décathlon est assez habituel dans les bad buzz. Ceci dit, cela a pris des proportions en termes de volume qui n'avait pas encore été observé.
En 2016, le gouvernement canadien avait fait une publicité avec une femme portant l'hijab.
H&M avait utilisé pour la première fois une mannequin voilée tout comme L'Oréal, qui avait créé une polémique puisque la mannequin avait eu d'anciennes publications sur les réseaux sociaux qui étaient remontées à la surface.
En 2018, GAP avait utilisé un Hijab pour une jeune fille ce qui avait suscité la polémique.
Bref, la situation était connue et assez contenue puisqu'il n'y a pas eu de dommages collatéraux dans ces différents cas.
Décathlon est transporté dans une arène dont le combat n'est pas le sien
Il s'agit d'une phase extrêmement compliquée des crises actuelles, mais dans cette crise, Décathlon n'est pas réellement le principal acteur de la crise. Décathlon est transportée dans une arène qui n'est pas la sienne et est utilisée par les différentes communautés pour parler d'un sujet bien plus global et sociétal. C'est très compliqué, car quel que soit la réponse de Décathlon, elle ne pourra satisfaire tout le monde, car il y a absence de demande unifiée ce qui est le cas de la plupart des crises.
Une communication de crise qui transforme le spectateur en arme
Le fait le plus intéressant en termes de stratégie est le fait qu'en se posant en victime, Décathlon permet l'activation d'un public bien plus nombreux que celui qui l'alpaguait, qui est le spectateur.
C'est une des clés les plus abordées en formation de communication de crise, mais le public le plus important est le spectateur. Il représente selon les pensifs 1% de production 9% de relayeur et 90% de spectateurs, une grosse majorité et doit être l'objet de toutes les attentions en communication de crise.
Par la victimisation, l'arrêt du Hijab et le community manager de Décathlon, le spectateur sans avis sur la question a eu une opportunité de prise de parole qui fait changer le narratif de ce que disent les réseaux sociaux et fait apparaître un mouvement avec une opinion différente.
L'attention se porte alors sur les politiques et investigateurs de la chose. Cela se remarque bien dans la courbe d'activité où la mention décathlon sans le prisme musulman connaît une croissance bien plus grande.
Un focus opéré sur le community manager
En signant tous ses tweets et en allant à la réponse des différents internautes, le community manager s'est distingué se payant même le luxe d'avoir son prénom en trending topic.
Cela n'avait plus été observé depuis Bouygues Telecom et son community manager Tanguy, qui avait répondu un à un aux commentaires qui attaquaient son entreprise par rapport à l'arrivée de Free sur le marché.
Cette posture peut être bonne parce qu'elle humanise la marque, elle peut également être mauvaise dans le sens où l'on a l'impression que le community manager est seul à gérer la crise. Il n'y a donc pas de mal ou de bien, mais dans le cas de Décathlon, on remarque que cela penche clairement pour le bien et participe à la stratégie de communication de crise du groupe Décathlon.
De plus, si l'on observe bien le cas avec la loupe sociétale, nous pourrions nous dire que le community manager était le porte-parole d'une expression qui ne se matérialise pas sur les réseaux sociaux, car le neutre n'existe pas, il était le porte-parole de ceux qui s'en foutent et qui se disent que c'est un débat qui ne mériterait pas autant de foin.
Crédit photo : Shutterstock / Capture d'écran Décathlon